martes, 14 de julio de 2015

L´Armée méxicaine n´est pas à sa place, le 14 Juillet, sur les Champs-Elysées




14-Juillet : L’embarrassante parade de l’armée mexicaine sur les Champs-Elysées

LE MONDE - Paris
Fr

Des soldats mexicains répètent pour le défilé du 14-Juillet, à Paris, le 10 juillet.
Mardi 14 juillet, à Paris, 149 cadets et cinq officiers de l’armée mexicaine ouvriront le défilé sur les Champs-Elysées. Certains auront sur leur poing ganté un aigle royal, emblème du Mexique, invité d’honneur du gouvernement français pour la fête nationale. Parmi eux, un détachement de la nouvelle gendarmerie mexicaine, formée par des gendarmes français. Associée à la visite d’Etat du président mexicain Enrique Peña Nieto, du 13 au 16 juillet, cette initiative suscite de vives réactions des deux côtés de l’Atlantique.

Des soupçons planent sur des violations des droits de l’homme commises par des militaires mexicains. « Les disparitions forcées, la torture et les détentions arbitraires constituent des pratiques répandues parmi les forces de sécurité et de police mexicaines », affirme Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty International en France. Elle ajoute que « François Hollande doit rappeler à son invité que ces actes ne peuvent rester impunis, alors que la France célébrera sa fête nationale ».

« Les disparitions forcées, la torture et les détentions arbitraires constituent des pratiques répandues parmi les forces de sécurité et de police mexicaines »
 
Au Mexique, la polémique se concentre sur de nouvelles révélations concernant l’affaire de Tlatlaya. Le 30 juin 2014 à l’aube, dans cette ville située à 240 km au sud-ouest de Mexico, huit soldats tuaient 22 membres présumés d’une bande criminelle. Dans la foulée, les autorités affirmaient que les militaires avaient riposté à une attaque de « délinquants », tirant sur 21 hommes et une femme dans un hangar abandonné.

Depuis, la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) et la Commission d’enquête spéciale du Congrès ont conclu séparément qu’au moins 15 victimes ont été tuées de sang-froid, alors qu’elles s’étaient rendues. Les preuves de ce massacre auraient été altérées par les militaires, et trois femmes, arrêtées à l’issue de l’intervention, auraient été menacées par des policiers pour les dissuader de témoigner.

Le 2 juillet, le Centre Miguel Agustin Pro Juarez, organisation civile mexicaine de défense des droits de l’homme, a révélé que l’ordre de mission des militaires impliqués était d’« abattre les criminels durant la nuit ». Et de préciser : cette consigne constitue « une incitation à commettre de graves violations des droits de l’homme », excluant la piste d’un acte isolé. En face, le gouvernement nie en bloc.

26 000 disparus



Une autre affaire continue à agiter l’opinion : la disparition, le 26 septembre 2014, de 43 élèves-enseignants à Iguala, dans l’Etat de Guerrero (sud-ouest), qui avait provoqué une vague d’indignation au-delà des frontières. Selon l’enquête officielle, les disparus auraient été attaqués par des policiers municipaux, liés à un cartel de la drogue. Ces derniers les auraient remis à des narcotrafiquants qui les auraient tués, avant de brûler leurs corps et de jeter leurs restes dans une rivière. Le maire d’Iguala et le gouverneur du Guerrero, élus du Parti de la révolution démocratique (PRD, gauche), sont mis en cause.

Neuf mois plus tard, des voix se lèvent pour dénoncer une possible complicité de l’armée dans cette disparition forcée. Selon plusieurs témoignages, des soldats du 27e bataillon, basé à Iguala, étaient présents lors du massacre. Le 29 juin, les experts indépendants, nommés par la Commission interaméricaine des droits de l’homme, ont déploré que les autorités ne leur permettent pas l’audition des militaires du 27e bataillon.

Plusieurs détenus auraient été torturés par la police. De tels abus seraient « généralisés », selon les récents rapports des Nations unies sur les disparitions forcées et la torture, dans un pays qui compte 26 000 disparus. Entre 2010 et 2013, plus de 7 000 plaintes ont été déposées auprès de la CNDH. Mais seuls sept tortionnaires ont été déclarés coupables par les tribunaux. Des voix dénoncent les dérives d’un usage excessif de la force depuis que l’ancien président Felipe Calderon, du Parti d’action nationale (PAN, droite, 2006-2012), a déployé les militaires sur le territoire pour lutter contre les cartels de la drogue, avec le soutien logistique des Etats-Unis.

Son successeur, M. Peña Nieto, estime que 35 000 à 45 000 militaires doivent rester dans les rues pour pallier la corruption policière. « Ce n’est pas notre vocation de réaliser des fonctions de police, mais nous sommes conscients que personne d’autre ne peut s’en charger », a déclaré le ministre de la défense, le général Salvador Cienfuegos Zepeda, dans un entretien au quotidien El Universal daté du 29 juin. Le ministre a revendiqué une baisse des plaintes contre des militaires. Selon son ministère, ces dernières ont chuté de 588 à 223 entre le premier trimestre 2012 et la même période en 2015.
 

« Surexposition des forces armées »



Mais 3.530 affrontements ont impliqué ses troupes depuis neuf ans, soit plus d’un par jour. La lutte des cartels entre eux et contre les forces de sécurité a fait plus de 100 000 morts. « La spirale de la violence et les violations des droits de l’homme sont la conséquence de la surexposition des forces armées, qui n’étaient pas préparées à réaliser des opérations de maintien de l’ordre public », estime Enrique Gonzalez, sociologue spécialiste de l’armée à l’Université nationale autonome de Mexico (UNAM). José Francisco Gallardo, général de réserve qui a dénoncé les abus des militaires, précise que « les vieilles pratiques répressives ont la vie dure. A l’instar des meurtres commis par les autorités durant la “guerre sale” des années 1960 et 1970, aucun haut gradé n’a jamais été jugé pour une exaction commise par ses troupes ».

Pourtant le président Peña Nieto, dont l’entrée en fonctions marque le retour au pouvoir du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, centre), a fait du respect des droits de l’homme une priorité. Le 13 juin 2014, une réforme du code de justice militaire est entrée en vigueur. Désormais, pour mettre fin à l’impunité, les soldats accusés de crimes contre des civils seront jugés par la justice ordinaire et non plus par des tribunaux militaires. Ainsi, les huit soldats inculpés dans l’affaire de Tlatlaya seront présentés devant un tribunal civil. Le général Cienfuegos a reconnu que cette affaire est « très coûteuse » pour l’image de son institution, qui reste néanmoins la plus fiable aux yeux des Mexicains, selon les sondages.

M. Peña Nieto a annoncé, en septembre, la participation de Mexicains aux opérations de maintien de la paix des Nations unies en Haïti et au Sahara occidental. Jusqu’à présent, les principes de la diplomatie mexicaine avaient toujours été de ne pas s’impliquer dans un conflit en dehors des frontières du pays. Cette innovation divise l’opinion. Le lieutenant-colonel Victor Manuel Serrano, qui ouvrira la marche des cadets sur les Champs-Elysées, se dit, lui, « honoré ».

En savoir plus sur
 http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2015/07/11/la-drole-de-parade-parisienne-des-cadets-de-l-armee-mexicaine_4679451_3222.html#xsEUZwDPKfE5WpIB.99