Une enquête ouverte pour trafic d’influence contre l’ex-président brésilien Lula
Le Monde.fr
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Par Nicolas Bourcier (Rio de Janeiro)
Le scandale de corruption Petrobras qui agite depuis des mois le
Brésil a pris, jeudi 16 juillet, une nouvelle tournure. Au moment même
où l’on apprenait qu’un des délateurs de l’affaire accusait l’influent
président de la Chambre des députés Eduardo Cunha, membre du Parti du
mouvement démocratique brésilien (PMDB, pilier de la coalition au
pouvoir), d’avoir exigé 5 millions de dollars (4,5 millions d’euros) de
pots-de-vin, le parquet fédéral ouvrait une enquête contre Luiz Inacio
Lula da Silva pour trafic d’influence.
L’ancien chef d’Etat
(2003-2010) est accusé d’avoir intercédé auprès de dirigeants étrangers
en faveur du géant brésilien du BTP Odebrecht. La plus importante
société de construction-ingénierie d’Amérique latine, qui s’est vue
confier les grands chantiers des Jeux olympiques de Rio 2016, est
emportée dans la tourmente de l’affaire Petrobras depuis l’arrestation
en juin de son président Marcelo Odebrecht. Selon le parquet, le
conglomérat a piloté un cartel d’entreprises du bâtiment accusées de
s’être entendues sur des prix et d’avoir surfacturé des travaux
effectués pour la compagnie pétrolière nationale.
Lire nos explications :
Comprendre le scandale Petrobras qui secoue le Brésil
Des voyages en question
Cité depuis des
semaines par les médias brésiliens pour sa relation privilégiée avec la
famille Odebrecht, l’ex-président Lula est aujourd’hui dans la ligne de
mire des enquêteurs pour avoir effectué un voyage en janvier 2013 à
Cuba, en République dominicaine et aux Etats-Unis en compagnie
d’Alexandrino Alencar, ex-directeur des relations institutionnelles
d’Odebrecht. Le vol, pris en charge par l’entreprise, avait été
étrangement enregistré avec la mention : « Passager principal : vol totalement secret. » Alexandrino Alencar a été arrêté en même temps que Marcelo Odebrecht.
L’enquête
a été ouverte le 8 juillet, après une démarche préliminaire sur les
activités de Lula, qui pour le moment ne sera pas appelé à témoigner, a
souligné le ministère public. Il précise toutefois que les projets
entrepris lors du voyage à Cuba auraient été financés grâce à un prêt
consenti par la BNDES, la banque publique de développement. Cette
institution dont les ressources rivalisent avec celles de la Banque
mondiale possède 17,24 % du capital de Petrobras.
Lorsque la
procureure Mirella de Carvalho Aguiar, chargée d’enquêter sur
l’ex-président, avait sollicité, en mai, des informations à Odebrecht,
la BNDES, l’Institut Lula et au ministère des affaires étrangères pour
l’ouverture d’une enquête, le géant du BTP avait défendu l’action de
l’ancien chef d’Etat en affirmant qu’il s’agissait d’un moyen de « montrer le potentiel des entreprises brésiliennes ».
Lula se dit « tranquille »
Par la voix de son Institut, situé à Sao Paulo, Lula a affirmé qu’il avait reçu avec « surprise » la
décision du parquet fédéral. Il a ajouté qu’il allait expliquer et
détailler ses voyages. Son porte-parole a affirmé, de son côté, « être tranquille ». Il s’est toutefois étonné de la « rapidité » avec laquelle la décision judiciaire a été prise : « Nous
avons fourni toutes les informations demandées à la procureure le
week-end dernier et nous trouvons étrange qu’en si peu de temps elle ait
déjà analysé tout le matériel. » Dans une note publiée tard dans la soirée, l’Institut Lula ajoutait qu’il était clair que l’ex-président était
« la cible d’un ensemble de manipulations destinées à créer une gêne et
entacher, sous de faux prétextes, l’image du plus grand leader
populaire du pays ».
Déjà en 2013, la Folha de S.Paulo
avait révélé que la moitié des voyages de Lula après son départ de la
présidence avaient été financés par les trois grandes entreprises de
construction brésiliennes : Odebrecht, Camargo Corrêa et OAS.
L’ex-président aurait permis, selon des câbles diplomatiques publiés par
le quotidien pauliste, de vaincre certaines résistances rencontrées par
ces entreprises, notamment au Mozambique. Plusieurs hauts dirigeants
des trois groupes sont poursuivis depuis la fin 2014 pour leur
implication présumée dans le scandale Petrobras.