domingo, 31 de agosto de 2014

Les Lumières contre l´obscurantisme du "Califat", contre l´irrationalité, contre le scientisme...



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"L'esprit des Lumières a encore beaucoup à faire dans le monde d'aujourd'hui"

LE MONDE | |

Pourquoi, aujourd'hui, une exposition sur l'esprit des Lumières ?

Il y a eu, au départ, une intention militante : rappeler les grands principes des Lumières nous a paru indispensable dans un moment historique marqué par le 11-Septembre, par les attaques d'un certain fanatisme religieux contre la laïcité, contre l'égalité des hommes et des femmes. Mais on ne pouvait s'en tenir à cette opposition simple : les Lumières sont parfois trahies par ceux-là mêmes qui s'en réclament.

Qu'avez-vous choisi dans cet héritage ? 

Le premier pas des Lumières est une critique des tutelles traditionnelles contrôlant les conduites humaines, et pour commencer de la religion. L'idée de critique est consubstantielle aux Lumières. A tel point que les critiquer aujourd'hui, c'est leur être fidèle ! La connaissance s'affranchit des autorités anciennes et devient une libre recherche de vérité, conduite par la raison et appuyée sur l'observation.
Sur le plan politique, cela mènera à contester la royauté de droit divin dans laquelle il faut obéir au roi ou aux nobles simplement parce que la tradition les a institués tels. C'est le peuple souverain, c'est-à-dire la totalité des habitants d'un pays, qui décidera de la conduite à suivre. Dans la sphère personnelle, l'individu ne se soumet plus qu'à sa propre volonté.

Mais le peuple souverain peut-il décider par exemple de manger les plus faibles ou de tuer les vieillards parce qu'ils sont improductifs ? 

Non, la volonté collective est limitée par deux grands principes. D'abord celui d'humanité. Le but de l'action sociale n'est pas de plaire aux dieux, ni de construire un avenir radieux, mais d'accroître le bien-être des humains pris un par un. L'être humain est devenu la finalité ultime de l'action.
Le deuxième principe, c'est l'universalité. Ce qui se traduit à l'intérieur d'un pays par l'exigence d'égalité : que vous soyez riche ou pauvre, intelligent ou stupide, femme ou homme, vous êtes pourvu de la même dignité. A l'extérieur, entre peuples, la reconnaissance de l'unité du genre humain coexiste avec une reconnaissance du droit de chacun à choisir sa voie, ce qui implique le renoncement à imposer le bien par la force.

Pourquoi les Lumières naissent-elles en Europe

Pluralité est le maître mot. C'est la confrontation avec les étrangers qui favorise l'esprit critique. Descartes est critiqué par Newton, qui lui-même est critiqué par des penseurs allemands ou italiens. Les hommes des Lumières voyagent sans cesse. Persécutés pour leurs idées, Voltaire, l'abbé Prévost, Rousseau vont partir en Angleterre. Mais, pendant ce temps, des Britanniques viennent en France : Bolingbroke, Hume, Sterne. Beaucoup seront accueillis en Prusse chez Frédéric II. Cette sorte de circulation permanente n'est pas un hasard : on subit des persécutions dans son pays, mais on y échappe en devenant un étranger, un visiteur, un exilé. Il y a aussi une forte émulation : c'est parce que Priestley développe ses théories sur l'oxygène en Angleterre que Lavoisier va pousser aussi loin ses recherches en France. Le philosophe écossais Hume pose la question : pourquoi l'Europe est-elle la terre des Lumières ? Parce qu'elle est le continent le plus morcelé, à la différence de la Chine, Etat unifié. Cette diversité est une valeur positive, perçue comme constitutive de l'Europe. Elle reste d'une actualité formidable pour L'Union européenne, qui est un aboutissement, encore partiel, de ce projet des Lumières.
D'autres projets sont-ils à parachever

Les Lumières sont destinées à rester à tout jamais inachevées. On a beaucoup dit, mais à tort, qu'elles se confondaient avec l'idée de progrès. Pourtant, leurs plus grands protagonistes n'ont nullement cru à un progrès automatique et linéaire. Rousseau, dans son Discours sur l'inégalité, expose une vision de l'histoire dans laquelle chaque progrès dans une direction s'accompagne d'une perte dans une autre. Le fait que nos voitures nous transportent de plus en plus vite mais qu'en même temps leurs pots d'échappement nous asphyxient : constatation qui n'aurait pas surpris Rousseau. Le moindre progrès se paye, et souvent chèrement. L'obscurité ne disparaîtra jamais définitivement.
Débarrassons-nous aussi de ce cliché selon lequel les Lumières voulaient tout soumettre à la raison, rationalisme aride que nous aurions battu en brèche en découvrant l'inconscient. Les penseurs des Lumières savaient que l'homme est conduit par ses passions, mais aussi que la raison est l'instrument donné en partage à tous. Pour engager le dialogue, nous devons faire appel à ce qui nous est commun, cette capacité de raisonner et d'argumenter. Idée fausse encore : les Lumières pécheraient par trop d'abstraction. "L'homme, monsieur, je ne l'ai jamais rencontré", ironisait Joseph de Maistre, ennemi juré de la Révolution. Or les Lumières ont inventé à la fois l'histoire et l'anthropologie, qui exigent toutes deux la reconnaissance de la singularité des sociétés. Il est vrai qu'elles ont maintenu aussi l'héritage de l'école du droit naturel, à savoir que les êtres humains, en tant que tels, étaient pourvus de droits, valables quels que soient le régime, le lieu ou le climat.

Parlons des personnages emblématiques de cette époque. Qui sont-ils ?

Deux figures familières accueillent les visiteurs de l'exposition, celles de Mozart et de Rousseau. Ce dernier est un critique des Lumières et, à ce titre, leur penseur le plus profond. Mozart, dont les opéras chantent l'aspiration à l'amour et au bonheur purement humains, est une brillante incarnation des Lumières. Comme d'ailleurs des peintres comme Fragonard, maître de la sensualité, ou Chardin, dont La Fontaine exprime mieux que de longs discours la dignité des humbles.
Douze personnages encadrent les six grands thèmes de l'exposition. Parmi eux, pour les sciences, Benjamin Franklin : cet américain autodidacte, inventeur du paratonnerre, était aussi un remarquable écrivain, un pédagogue et un homme politique qui a séjourné longtemps en France. L'Italien Vico plaide pour l'histoire au nom de l'irréductibilité des nations. L'Ecossais Adam Smith, les Allemands Kant et Goethe sont autant de figures indispensables.

Leur vision du monde peut-elle encore nous guider

Je le crois, et j'ai essayé de le montrer dans un petit livre, L'Esprit des Lumières. Rousseau voit les immenses dangers qui pèsent sur notre monde, mais, en même temps, il croit en la perfectibilité, qui est la possibilité pour chacun d'entre nous, s'il livre les efforts nécessaires, de se transformer. Mais cette liberté qui nous permet de nous perfectionner peut aussi nous conduire vers le mal.
Chez le juriste Beccaria, on trouve une remarquable argumentation contre la torture et la peine de mort. Or non seulement ces pratiques subsistent dans les faits en beaucoup d'endroits, mais elles ont été de nouveau théorisées à la suite des attentats du 11-Septembre : comme en France au moment de la guerre d'Algérie, on a proclamé que, dans la guerre contre le terrorisme, tous les moyens sont bons pour obtenir des renseignements. L'esprit des Lumières peut nous aider à combattre ces dérives effrayantes de la part des grandes démocraties.

De même, il est là pour nous rappeler que l'économie ne doit pas être sa propre finalité - le développement pour le développement -, mais qu'elle doit être au service des êtres humains. Une vie politique dans laquelle garder le pouvoir serait la seule motivation de ceux qui y aspirent est un autre exemple de cette abolition néfaste de la finalité humaine.

L'exigence d'universalité nous indique qu'au sein d'un pays il ne peut y avoir des citoyens de première et de seconde catégorie ; la participation démocratique ne saurait être déniée à ceux qui ne nous ressemblent pas parce qu'ils viennent d'ailleurs ou sont d'une autre religion. Bref, l'esprit des Lumières a encore beaucoup à faire dans le monde d'aujourd'hui.

Pourtant, des aspects peu reluisants de notre époque naissent des Lumières...

Les adversaires évidents, comme l'obscurantisme, sont les plus faciles à combattre. Plus sournois sont des travers enracinés dans les idées mêmes des Lumières. Par exemple le scientisme : alors que la science doit être servante, on l'a vue souvent sortir de son domaine pour dicter ses fins à la société. Dérive encore quand, de l'individu autonome des Lumières, on passe à l'individu autosuffisant. Or nous naissons dans le langage, dans la culture, et nous dépérissons dans l'isolement. Les Lumières ne sont pas davantage un éloge hédoniste de l'instant présent. L'être humain est pourvu de ces capacités spécifiques que sont la mémoire et l'imaginaire. Vivre seulement dans la sensation, c'est nier l'humain. Perversion enfin que le colonialisme, qui s'est paré des oripeaux des Lumières pour justifier ses conquêtes.

Avons-nous failli dans la transmission de l'héritage des Lumières ?

Ne nous berçons pas de l'idée que les démocraties libérales sont là pour toujours. Les forces opposées aux Lumières sont enracinées : la préférence pour la soumission plutôt que pour la liberté, le besoin de consolation, le goût du pouvoir ne sont pas moins humains que les valeurs promues par les Lumières. C'est pourquoi raviver les principes est une nécessité qui ne s'arrête jamais : la pierre risque toujours de rouler vers le bas, que ce soit dans notre propre existence ou dans la vie publique.

La tragedia de la inmigración hacia Europa


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//EDITORIAL//

UNA (CASI) SILENCIOSA TRAGEDIA MEDITERRÁNEA


El fin de semana pasado, en la noche del 23 al 24 de agosto, Italia asistió, más impotente que nunca puesto que el naufragio tuvo lugar más cerca de las costas libias, a 50 kms. al este de Trípoli, al enésimo evento de desaparición de una embarcación tripulada por centenares de inmigrantes clandestinos que tenía como destino la costa italiana.

Las informaciones disponibles indican que había, en una barcaza de tosca madera inadecuada para semejante travesía, aproximadamente unas 300 personas embarcadas de las cuales sólo se han salvado 16. Los cuerpos de otros 21 estaban siendo recuperados y no hay noticias del resto. Las autoridades libias indicaron que, en su mayoría, se trataba en este caso de personas provenientes de Somalia y Eritrea. De ser estas cifras aproximadas de muertos las correctas, estamos ante la segunda tragedia en importancia después de la de Lampedusa donde perdieron la vida 366 personas en octubre de 2013. 

Casi simultáneamente -(lo que no es casualidad)-, el día 25 de agosto, la Marina italiana recuperaba, por otro lado, los cadáveres de 18 inmigrantes que navegaron hasta morir en una lancha neumática a la deriva al sur de la isla italiana de Lampedusa. En la embarcación viajaban otras 73 personas que, ellas sí, han sobrevivido. 

Pero, para todo ese mismo fin de semana, la Marina italiana informa haber rescatado un total de 3.500 inmigrantes que viajaban a bordo de varias embarcaciones totalmente inadecuadas pero que no sufrieron accidentes mayores para atravesar el Canal de Sicilia y llegar desde el norte de África a las costas italianas.

I.- Como se puede apreciar, el tráfico en el circuito ”Libia/Sur de Italia” está adquiriendo dimensiones atemorizantes y, consecuentemente, las inevitables tragedias comienzan a transformarse en cotidianas.

Los inmigrantes clandestinos que utilizan este circuito no provienen mayoritariamente, al contrario de lo que el gran público cree, de África del Norte. Concurren a desafiar la travesía que suele llevarlos a la muerte desde los lugares más recónditos del planeta. Lo que las autoridades italianas y de la OIM indican en sus reportes es que las diez nacionalidades más presentes entre los inmigrantes llegados a Italia son, por su orden: marroquíes, albaneses, chinos, filipinos, ucranianos, indios, moldavos, egipcios, bangladesíes y tunecinos. Pero, en la avasallante ola que se abalanza, a través del Canal de Sicilia y de la Isla de Lampedusa, hacia Europa, como lo indican estas últimas tragedias de 23-24 y 25 de agosto, como tantas anteriores, hay ciudadanos de muchas más nacionalidades en este incontenible proceso migratorio.

Para hacernos una idea del volumen del tráfico de inmigrantes ilegales al que nos estamos refiriendo, basta con señalar que en los primeros 7 meses del año en curso se estima conservadoramente que llegaron -(solamente a las costas de Italia, puesto que de ese país provienen las cifras)- 100.000 inmigrantes clandestinos vía Libia. Esa es la cifra de inmigrantes llegados a la costa y registrada por las autoridades italianas. La cifra de los que llegaron y lograron escapar al control oficial, la de los que ingresaron por el sur de España, por Creta y Grecia y la de los que directamente murieron en el intento, realmente no se conoce por el momento. Las evaluaciones más conservadoras pretenden que en las últimas décadas el promedio de personas fallecidas en la travesía era de un promedio de 1.000 al año. Pero, desde que los acontecimientos en Libia han acabado prácticamente con toda institucionalidad y orden legal en ese país, las cifras se han disparado desproporcionadamente. Ello evidentemente ya no es así. Por lo que, todo indica que, en materia de cifras, tanto el número de inmigrantes que pasan de África a Italia como el número de víctimas está claramente subvaluado.

Muestra de ello es que, en una reciente conferencia de prensa proporcionada el 24 de agosto -(es decir, antes del segundo naufragio del domingo 25, cerca de Lampedusa)- por el Ministro del Interior italiano, Angelini Alfano, este manejó las cifras de que, del primero de agosto 2013 al 31 de julio 2014, el gobierno italiano llevaba examinados 35.400 pedidos de protección internacional referidos nada más que a los inmigrantes ilegales desembarcados en Italia. Por sí sola esta cifra indica que la estimación de 100.000 inmigrantes llegados vía Libia en 7 meses es inferior a la real y, de hecho, son varios los medios y asociaciones civiles que manejan el número 120 a 130.000. para estos primeros meses de 2014.

II.- Resulta evidente que algo ha sucedido en años recientes y, probablemente, en buena medida a nivel global, que ha creado las condiciones para que este tráfico incrementase tan rápidamente su importancia.

No alcanza con señalar, como hemos hecho más arriba, que el caos instalado en Libia desde la caída de Gadafi ha facilitado el tráfico de inmigrantes. Nadie sensato ha de imaginar que el régimen gadafista haya sido nunca un celoso defensor de sus fronteras y un humanitario protector de los migrantes. Tampoco resulta suficiente una segunda explicación, que se ha dado recurrentemente, y que alude al hecho de que, últimamente España procedió a un serio fortalecimiento de los controles de la vía de acceso que utilizaban los migrantes del Maghreb occidental y que, pasando por las Islas Canarias en el noroeste del continente, permitía acceder, por fin, directamente a Europa. Entre otras cosas porque los migrantes del circuito libio-italiano, como vimos, distan mucho de ser mayoritariamente maghrebíes.

En realidad la explicación de lo que está sucediendo parece ser bastante compleja porque responde, en cualquier caso, a múltiples variables. 

Por un lado, la migración del norte de África, esencialmente los maghrebíes, -(particularmente libios y tunecinos)-, así como la migración albanesa, y eventualmente moldava, constituyen corrientes que podríamos llamar ”tradicionales” hacia Italia. Siempre existió, y quizás pudo, o no, haberse incrementado como consecuencia de las convulsiones de las pseudo “primaveras árabes”. Pero aunque siempre presente, este fenómeno no puede explicar la ”explosión” inmigratoria en marcha.

Por otro lado hay un nuevo aporte de migrantes que está directamente vinculado a la proliferación de conflictos bélicos en el Mediterráneo, África sub-sahariana y espacios aledaños. La presencia de sirios, libanesas, iraquíes, ucranianos, yemenitas o somalíes, así como la de nigerianos, sudaneses o centroafricanos y, en general, países de esa zona del corazón del África, son el síntoma de que los crecientes conflictos bélicos, crecientes en número y amplitud rápidamente, están expulsando masivamente migrantes que, presumiblemente, no se desplazaban hacia Europa hace pocos años.

Por último, cabe consignar que hay procesos culturales “de fondo” -(por llamarlos de alguna manera)-, que aportan también un número significativo a este complejo proceso de aparición de una verdadera avalancha de migrantes en muchos aspectos “novedosa”. 

Hacemos referencia al evidente impacto que tiene, a través del proceso de globalización cultural en marcha, el irresistible atractivo de Europa sobre las poblaciones de países pobres y emergentes, sobre todo de Asia, que se han integrado al mercado mundial. Aún en países que algunos analistas, más periodísticos que conocedores de la historia y el crecimiento económico, se obstinan en considerar como “lanzados” hacia el desarrollo como China, India, Rusia, Sudáfrica o los países de Indochina, es evidente que ante la menor posibilidad de emigrar hacia Europa, la duda es inconcebible. El peor salario europeo debe ser 6 a 7 veces mayor que el salario promedio de un trabajador chino o indio (sin mencionar las ventajas relativas a la cobertura social) o 15 veces que el de un trabajador en Bangladesh. ¿Alguien se puede sorprender de que esas poblaciones opten por arriesgar su vida para llegar a Europa?

En resumen, quizás en el epílogo de esta reiterada tragedia -(reiterada porque recordemos que, a fines del siglo XIX y principios del XX, fueron los campesinos y trabajadores pobres irlandeses, italianos, españoles, portugueses, del sur de Francia y de Europa Central, etc. los que abandonaron todo y se precipitaron hacia “El Dorado“ de Norte y Sudamérica)- lo que se encuentre es el triunfo de la Unión Europea que, desplazando parcialmente el mito de ”América”, se haya transformado en un poderoso imán de atracción económica y cultural.

No solamente esto es factible: esto es altamente probable y explicaría, también, una indescifrable debacle cultural del mundo islámico que lo ha acorralado a retroceder al más atroz de los anacronismos identitarios. Mientras el caricatural “Califato”, inventado en Irak y Siria por unos dementes, acaba de anunciar obligatoria la ablación de clítoris en todas las mujeres habitantes de sus pretendidos “territorios”, éstas, sus maridos, hijos y familias, comienzan a huir a cualquier costo, hacia una Europa que, a pesar de todo, se parece nuevamente mucho, y a pesar de sus crisis, a La Libertad.

Link: http://www.ort.edu.uy/facs/boletininternacionales/contenidos/187/editorialjavierbonillasaus.html

Avec Tzvetan Todorov


Entretien avec Tzvetan Todorov : Humanisme, Libéralisme et esprit des Lumières

Je reproduis ci-dessous l'entretien que m'a accordé l'an dernier Tzvetan Todorov. Cet entretien est paru dans le Numéro 372 (juin 2007) de L'ENA hors les murs,  consacré au Libéralisme. Le dossier comportait également d'intéressantes contributions de Raymond Boudon, Monique Canto Sperber, Gabriel de Broglie, Valérie Charolles, Philippe Némo et Jean-Christophe Gracia.



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Humanisme, libéralisme et esprit des Lumières : Entretien avec Tzvetan Todorov.





Directeur de recherche au CNRS, philosophe, historien des idées, linguiste et sémiologue, théoricien de la littérature et de l’altérité, propagateur du structuralisme avec Roland Barthes, et représentant de la narratologie avec Gérard Genette, Tzvetan Todorov fait partie des très rares intellectuels français contemporains dont l’œuvre est traduite, connue, étudiée et disséquée dans le reste du monde, notamment aux Etats-Unis, où il intervient fréquemment dans les plus grandes universités. Né en Bulgarie dans une famille de bibliothécaires, il échappe au communisme en s’installant en France dans les années 1960. Il se fait très vite remarquer par ses traductions des formalistes russes, son Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage et sa contribution à la naissance de la poétique contemporaine et au renouveau de la rhétorique. Il avait commencé à s’intéresser aux approches formelles en Bulgarie. C’était alors pour lui le seul moyen d’échapper à l’idéologie marxiste qui était prégnante dans le système éducatif des pays de l’Est. Tout au long de sa vie, il ne cessera de s’interroger sur l’horreur totalitaire et les aléas de la mémoire. En 1966, aux côtés de Jean-Pierre Vernant, Jacques Lacan, Jacques Derrida, Edward Said, Jean Hyppolite, Roland Barthes, Georges Poulet, Gérard Genette et de quelques autres, il participe au désormais célèbre séminaire « The Languages of Criticism and the Sciences of Man » organisé par René Girard à l’université Johns Hopkins, séminaire qui marquera le grand début de la percée américaine de la French Theory.

Tzvetan Todorov est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages qui ont fait date, dont Littérature et signification (Larousse, 1967), Introduction à la littérature fantastique, (Seuil 1970), Qu’est-ce que le structuralisme ? Poétique, (Seuil 1977), La Conquête de l’Amérique (Seuil, 1982), Critique de la critique (Seuil, 1984), Nous et les autres (Seuil, 1989), Face à l’extrême, (Seuil, 1991), la Vie commune (Seuil, 1995), Le jardin imparfait (Grasset, 1998), Mémoire du mal, tentation du bien (Robert Laffont, 2000), Le nouveau désordre mondial,  réflexion d’un Européen (2005), Les aventuriers de l’absolu (Robert Laffont, 2006), L’esprit des Lumières (Robert Laffont, 2006). Il a également consacré des essais à Rousseau, Frêle Bonheur (Hachette, 1985) et à Constant, Benjamin Constant, la passion démocratique, (Hachette, 1997). Il a préfacé les Mémoires de Raymond Aron et L’Orientalisme d’Edward Said. Il a co-écrit avec son épouse la romancière Nancy Huston Le Chant du bocage (Actes Sud, 2005). Son ouvrage le plus récent est La littérature en péril (Flammarion, 2007).
La journaliste Catherine Portevin le décrit bien lorsqu’elle écrit, dans le livre d’entretiens qu’elle a  conduits avec lui, Devoirs et délices (Seuil, 2002) : "Personnage plutôt discret, Tzvetan Todorov intervient rarement pour commenter l'actualité du moment mais, par son itinéraire et ses thèmes de prédilection, il se trouve au carrefour de bien de nos interrogations contemporaines. Plus français que nombre de nos intellectuels par l'héritage qu'il assume, il est aussi le plus européen et, ce que l'on sait peu, parmi les auteurs les plus traduits dans le monde. Il défend un humanisme critique, débarrassé de la bigoterie bien-pensante des charitables."
Un esprit libre, brillant, chaleureux et modeste. Trop modeste.   
Karim Emile Bitar
Cyrano de Bergerac 1999
Directeur de la rédaction.

 
Karim E. Bitar : Dans votre essai sur la pensée humaniste en France (Le jardin imparfait, Grasset, 1998), vous avez montré que pour les grands humanistes français, de Montaigne à Benjamin Constant, l’existence humaine ressemble au « jardin imparfait » décrit par Montaigne, ni entièrement déterminée par les forces qui la produisent, ni infiniment malléable par la volonté des puissants. De prime abord, on pourrait penser qu’une telle vision, par son « pragmatisme » aurait pu être propice à un plus grand épanouissement de l’idée libérale en France. Pourtant, cet humanisme français a souvent pris une autre voie que celle du libéralisme, notamment avec Rousseau. Y voyez-vous un paradoxe, et si oui, comment l’expliquez-vous ?  

Tzvetan Todorov : Je dirais que l’humanisme a intégré plusieurs composantes, et l’une de ces composantes est très clairement apparentée à l’idée libérale. Mais il a également absorbé, et a plus qu’absorbé, il s’est parfois confondu avec ce que nous appelons en France l’idée républicaine. Ces deux ingrédients (républicain et libéral), sans être strictement en contradiction, ne coïncident pas entre eux. C’est souvent le versant républicain qui l’a emporté. On peut dire qu’au XIX ème siècle, c’est plus l’héritage républicain de Rousseau auteur du Contrat Social qui s’est imposé, alors que la lignée libérale qui a été portée par Tocqueville est restée dans la marge.  Notamment aussi parce qu’à partir du milieu du siècle, dans le socialisme, ce qui l’a préfiguré et ce qui l’a représenté, l’idée libérale était mise entre parenthèses. 
Il est important de souligner que ces deux héritages républicain et libéral ne sont en réalité pas incompatibles. Et le moment le plus intéressant de leur conjonction est l’œuvre théorique et la pensée de Benjamin Constant. D’une certaine manière, on peut dire que l’oeuvre de Constant en matière de philosophie politique se présente comme une tentative de synthèse de ces deux traditions. Dans le début de son livre intitulé Principes de politique, il commence par admettre le grand principe de Rousseau selon lequel le pouvoir se trouve entre les mains du peuple, et que c’est uniquement ce pouvoir là, la souveraineté populaire, qui constitue un pouvoir légitime. Jusque là, il est parfaitement rousseauiste. Mais, ajoute-t-il, à ce premier principe de politique, -nous pourrions dire premier principe de la démocratie libérale-, il faut absolument en ajouter un second, à savoir que l’individu, l’être humain, doit disposer d’un espace sur lequel personne n’a le droit d’empiéter. Non seulement un pouvoir absolu d’origine divine ou traditionnelle tel que le pouvoir royal en France avant la Révolution, mais aussi un pouvoir qui, lui, provient du peuple, provient de cette souveraineté du peuple. La souveraineté du peuple à son tour s’arrête devant une frontière, celle qui protège la liberté de l’individu. Et je dirais que ce sont ces deux grands principes, ces deux grands courants qui nourrissent toute démocratie, ces deux grandes idées qui du reste peuvent être subsumées dans une idée unique, qui est celle de l’autonomie telle que l’entend Kant, telle que l’entend la philosophie des Lumières. C’est à la fois l’autonomie de la collectivité (la collectivité n’a pas à suivre un ordre qui lui est imposé du dehors, soit d’une tradition ou d’une interprétation des représentants d’une révélation venue d’en haut, en particulier les prêtres, -donc refus de l’hétéronomie sur le plan proprement politique-), mais aussi l’autonomie de l’individu qui, comme le disait Kant, doit accéder à l’état de majorité et décider par lui-même et non pas parce qu’il adhère à un groupe. 
Ces deux exigences ne sont donc pas contradictoires parce qu’elles proviennent de la même source, mais à un moment donné, chacune de ces deux exigences pose une limite à l’autre. L’individu doit acquérir une autonomie, mais cette autonomie est limitée par l’intérêt général. La  communauté doit pouvoir exercer une volonté qu’en principe rien ne limite, mais en fait, elle est limitée par plusieurs choses et notamment par ce territoire réservé à l’individu. Et Constant, dans son célèbre texte sur la liberté des anciens et la liberté des modernes, qui est en fait un chapitre de Principes de politique, donne le nom de « liberté des anciens » et de « liberté des modernes » à ces deux grand principes. La « liberté des anciens », c’est, dit-il, le droit de participer, c’est le fait que nous tous participons du pouvoir qui est exercé dans un pays, dans un Etat. La « liberté des modernes », c’est comme disait Isaiah Berlin « freedom from », la liberté de ne pas faire certaines choses, le fait que personne ne puisse nous obliger à obéir à des lois injustes. C’est par là un espace de liberté. Constant, en quelque sorte, absorbe et boit le lait de Rousseau mais aussi celui de Montesquieu, avec l’idée de l’équilibre des pouvoirs et de la modération, qui est une idée de préservation des libertés. Constant montre que les deux peuvent être vécues en commun. Je dirais que l’œuvre de Constant constitue un grand moment de l’histoire de la pensée politique française : Il est libéral, ce qui veut dire à l’époque qu’il est de gauche, et en même temps, dans la pensée de Constant, il y a une polémique très intéressante, une contestation des saint-simoniens, qui sont les précurseurs du socialisme, et qui vont devenir la gauche quelques générations plus tard. Constant montre que leurs idées, avec leur esprit de soumission de l’individu, sont liberticides. 

KB : Il y a un autre paradoxe qui remonte à très loin. D’un côté, l’homme moderne, dans la vision d’un Calvin ou d’un Descartes, est individualiste, donc en quelque sorte fatalement libéral. D’un autre côté, au moment de la Révolution et du débat autour des Lumières, on a vu apparaître une pensée que l’on pourrait qualifier d’antilibérale, aussi bien chez un conservateur contre-révolutionnaire comme Joseph de Maistre, (pour qui l’homme n’existe qu’en tant que membre de telle ou telle société), que chez un révolutionnaire comme Jean-Jacques Rousseau. La conjonction de ces deux anti-libéralismes n’est-elle pas encore prégnante dans la France d’aujourd’hui ? Vous avez consacré un essai à Rousseau et un autre à Constant. Comment expliquez-vous que dans la France d’aujourd’hui, la postérité de Rousseau soit plus forte que celle de Constant ?  

TT : Pour commencer par la deuxième partie de la question, la plus facile, je pense que cela est lié à la Révolution française, qui a été vécue sous l’ombre de Rousseau, même si pour moi, il est évident que Rousseau aurait été scandalisé et indigné par Robespierre, qui se réclamait de lui. La Révolution française, comme Constant l’avait immédiatement remarqué, a affirmé qu’il suffisait de faire passer le lieu du pouvoir des mains du monarque de droit divin aux mains du peuple pour que le tour soit joué. Le fait que le tour n’a pas été bien joué est démontré par la dérive de la Révolution dans la terreur. On a vu que le peuple, ou plutôt ses représentants,  pouvait exercer sa dictature, la dictature de Robespierre et du Comité de salut public. Je dirais donc que c’est l’ombre tutélaire de la Révolution française qui est responsable de la prédominance du versant républicain sur le versant libéral. Pour revenir aux autres aspects de votre question, compte aussi le prestige de la Révolution française, interprétée de cette manière excessive et réductrice plutôt qu’à à la manière d’un Constant ou de Madame de Staël, reine des libéraux de l’époque : eux ne rejetaient pas la révolution, mais voulaient que cette révolution soit, justement, libérale, c'est-à-dire qu’elle préserve aussi les droits des individus, au lieu de les bafouer. Dans Le jardin imparfait, j’indique (en plaisantant) qu’il y a plusieurs querelles de famille en même temps. L’humanisme essaie de n’exclure ni l’idée républicaine ni l’idée libérale. La pensée humaniste mène un combat sur deux fronts. D’une part, elle est attaquée par les scientistes, par les déterministes radicaux, par tous ceux qui veulent voir une sorte de logique scientifique appliquée au processus politique, et elle attaquée d’autre part par les conservateurs. C’est une coïncidence qui n’est pas fortuite : le fondateur de la réflexion sociologique en France n’est pas Marx, mais Bonald, le grand théoricien conservateur avec Joseph de Maistre. Bonald fut un peu le doctrinaire de ce courant. Mais d’une certaine manière, il était prêt à mettre la société à la place de Dieu, ou en tout cas assimiler l’un à l’autre. Il était monarchiste mais il se reconnaissait néanmoins dans le corps social. Ce qui était pour lui totalement inadmissible, c’était, vous l’avez dit dans la question, le protestantisme, Calvin, ou encore Descartes, et ce qui en découlait. Et Bonald mettait Rousseau de ce côté-là. J’interprète pour ma part Rousseau de façon moins extrémiste. Il faut voir que le Contrat social est une pièce d’un ensemble, et que ce n’est pas tout Rousseau. Rousseau a écrit les Confessions et les Rêveries d’une part, le Contrat social d’autre part, mais aussi l’Emile, qui est une tentative d’englober le tout dans un seul projet. Dans l’Emile, il y a un petit passage qui explique quel usage on doit faire du contrat social. Et notamment, qu’il n’est pas du tout question de bâtir un Etat sur le modèle du Contrat social. En somme, la tentative de Robespierre est condamnée d’avance. 
L’autre aspect de votre question c’est : est-ce qu’aujourd’hui, le républicanisme et le conservatisme coïncident ? Chevènement et de Villiers. Nous savons que sur certains thèmes limités, ils peuvent effectivement s’entendre. Et que c’est toujours aux dépens de la liberté de l’individu.

KB : L’autre problème actuel vient du fait que ceux qui en France se disent libéraux ne le sont pas vraiment. Votre livre Le nouveau désordre mondial, Réflexion d’un Européen (Robert Laffont, 2003), préfacé par Stanley Hoffmann, a établi un bilan des politiques  néo-conservatrices. Aux Etats-Unis, William Kristol fait en quelque sorte une captation d’héritage en se revendiquant abusivement de Raymond Aron, que vous connaissez bien puisque vous avez préfacé ses Mémoires. En France, on constate parfois que ceux qui se présentent comme « libéraux » sont en fait des néo-conservateurs sur bien des sujets. Pensez-vous que les deux visions soient compatibles ? Les néo-conservateurs sont pour la plupart des idéologues, alors que le libéralisme authentique est tout sauf une idéologie.

TT : Sans même entrer dans les catégorisations « idéologie ou «  non-idéologie », je dirais pour commencer qu’en France, l’usage du terme libéral est des plus déroutants. Parce que le mot est employé par une certaine gauche qui se dit antilibérale, dans un sens qui est à peu près synonyme de capitalisme. Ce qui est tout de même extrêmement bizarre. Je peux comprendre d’où vient l’enchaînement, mais néanmoins, cela me perturbe profondément parce que le libéralisme est une doctrine avant tout politique qui commence avec Locke, avec Hobbes, avec Montesquieu, et qui est une doctrine de défense des libertés. Parmi ces libertés, il y a la liberté d’entreprendre, la liberté économique, mais quand vous lisez Constant ou Tocqueville ou Aron, c’est une liberté parmi beaucoup d’autres. Et quand ils parlent de « libéral », ils entendent tout d’abord la liberté politique. En ce sens, les libéraux français, ce sont Lafayette, Constant, ceux qui s’opposaient aux ultras, aux conservateurs. Les libéraux, ce n’était donc pas l’extrême droite, comme c’est entrain de le devenir aujourd’hui ! J’ai moi aussi sursauté quand j’ai lu sur le dos d’un livre de Robert Kagan qui s’appelle La force et la faiblesse, un « blurb » qui disait quelque chose du genre « Raymond Aron a trouvé son digne successeur ». C’est une pure aberration. Raymond Aron était un grand combattant libéral, quelqu’un qui a énormément fait pour que la grande tradition libérale se perpétue, mais les personnages qui aujourd’hui mènent la politique néo-conservatrice, que ce soit aux Etats-Unis, où ils s’appellent néo-conservateurs, ou en France, où ils s’appellent « libéraux » s’inscrivent dans ce qui n’est plus qu’une trahison des idéaux libéraux d’Aron. Parce que lorsqu’on dit que l’on veut imposer aux autres le « bien », on n’est plus du tout dans l’idée libérale qui consiste à laisser chacun chercher le « bien » à sa manière. Donc un pays qui en occupe un autre pour lui imposer son modèle se comporte de façon strictement antilibérale, puisqu’il use de la force. Je regrette beaucoup que le mot « libéral » soit aujourd’hui dévoyé. Il est dévoyé d’abord par ses adversaires, qui lui font signifier capitalisme, et qui le confondent avec une attitude économique qui ne connaît aucun frein. Aucun pays ne l’a d’ailleurs jamais pratiqué, car aucun pays, aucun gouvernement, ne veut laisser un levier d’action aussi important lui échapper. Le terme libéralisme est également dévoyé par ceux qui s’en réclament, qui en font une sorte de cri de ralliement pour conduire à l’extérieur une politique impérialiste, et à l’intérieur, une politique souvent répressive. Je pense donc que Raymond Aron, qui n’était pourtant pas un homme de gauche, ne reconnaîtrait pas son libéralisme. Il a toujours écrit dans la presse de droite, mais c’est aussi parce qu’il pensait que c’était la droite qu’il devait convaincre. Il écrivait sur la guerre d’Algérie ce qu’écrivaient les gens de gauche. Et il dénonçait le totalitarisme alors que la presse de gauche était prête à le défendre. C’était un homme libre. 
KB : Entre ce qu’on qualifie de libéralisme en France, et ce qu’on appelle libéralisme aux Etats-Unis, il y a un gouffre.  

TT : Mon ami Stephen Holmes (1), qui est l’un des meilleurs philosophes politiques des Etats-Unis, se réclame du libéralisme. Dans la bouche des conservateurs américains, le mot « liberal » est une injure, qui signifie gauchiste. Mais en fait, il faudrait que le mot libéral garde son sens traditionnel. Ce n’est pas un gauchisme car il manque justement toute cette dimension utopiste, toute cette tendance à vouloir transformer le réel par la violence. Le sens exact est donc pour moi celui d’un centre-gauche, d’un réformisme, qui n’est pas loin de l’idée social- démocrate, et qui n’est pas loin non plus de l’attitude de la droite modérée. Et le néo-conservatisme n’est pas la droite modérée. C’est une attitude révolutionnaire qui cherche à changer le monde en ayant recours à la violence, en particulier sur la scène internationale, mais parfois également en politique intérieure. 
KB : Peut-on espérer l’émergence d’un libéralisme de gauche en France ? 
  
Cela me paraît bien difficile, étant donné la réputation sulfureuse du libéralisme parmi les militants de gauche. Je suis désolé qu’il en soit ainsi et qu’il n’y ait pas de place pour ce qui est une vision très cohérente et une façon saine de raisonner. Je suis surpris que dans le « mainstream » de la politique française, on ne parvienne pas à se rendre compte que l’on a absolument besoin de l’héritage libéral pour mener une politique démocratique moderne. Mais cet héritage libéral, comme l’avait déjà vu Benjamin Constant il y a deux siècles,  consiste à défendre aussi bien le principe républicain que le principe libéral. Une démocratie moderne doit constamment unir ces deux principes, limiter les excès de l’un par le rappel de l’autre. 
KB: Pour conclure, un mot sur la littérature. Beaucoup d’écrivains de notre temps semblent avoir eux aussi sombré dans une sorte d’antihumanisme et d’antilibéralisme. Ils semblent faire l’impasse sur le monde et sur l’humain et préfèrent se complaire dans l’autofiction, le nombrilisme et le désespoir.  

TT : Oui, beaucoup d’entre eux avaient cru à cette religion politique qu’était le communisme et en ont été déçus. Ils ont perdu la foi. Pour eux, désormais, la terre est une vaste désolation. Ils ne conçoivent plus qu’il y ait une positivité possible parce qu’ils avaient mis tous leurs espoirs et toute leur foi dans le mirage communiste, d’origine religieuse ou politique. Et je crois qu’effectivement, il faut appeler de nos vœux et espérer renouer avec une littérature humaniste. Non pas au sens où elle illustrerait les thèses humanistes, mais une littérature qui ne se complaise plus dans ce désespoir de salon, parce que ce désespoir de salon n’empêche pas les mêmes, une fois qu’ils ont pondu leur dernier livre qui est un cri de désolation, d’aller faire la fête au soleil. Romain Gary que j’aime tant, était un écrivain humaniste, mais cela ne veut pas dire qu’il voyait le monde avec des lunettes roses. Il en voyait tout le tragique, mais il savait aussi que l’être humain était quand même la seule valeur qui restait et c’était pour cette valeur qu’il se battait. C’est un peu cela que j’appelle aujourd’hui de mes vœux. Je ne voudrais pas distribuer de bons ou de mauvais points, mais nous vivons dans une époque d’individualisme extrême, qui dépasse le libéralisme de l’autre côté, qui oublie que nous ne pouvons pas survivre sans les autres autour de nous et que la vie, engendrement perpétuel du nouveau, est passionnante.   



1) Professeur à la New York University School of Law, il a récemment publié The Matador’s Cape, America’s Reckless Response to Terror (Cambridge University Press, 2007),  une analyse psychologique et philosophique de la guerre contre le 
terrorisme.

Link: http://cyrano.blog.lemonde.fr/2008/04/01/entretien-avec-tzvetan-todorov-humanisme-liberalisme-et-esprit-des-lumieres/

miércoles, 27 de agosto de 2014

La Liberación de París y Jorge Luis Borges



guerra

Un soldado "francés libre" corre a ayudar a un miembro de la Resistencia a disparar a un francotirador alemán. El francotirador había abierto fuego durante el desfile por la ciudad del Gral. De Gaulle. (Photo Ralph Morse - LIFE)


 “Anotación al 23 de agosto de 1944” 

 

Del Blog “Otra Pintura”

Jorge Luis Borges 

Esa jornada populosa me deparó tres heterogéneos asombros: el grado físico de mi felicidad cuando me dijeron la liberación de París; el descubrimiento de que una emoción colectiva puede no ser innoble; el enigmático y notorio entusiasmo de muchos partidarios de Hitler. Sé que indagar ese entusiasmo es correr el albur de parecerme a los vanos hidrógrafos que indagaban por qué basta un solo rubí para detener el curso de un río; muchos me acusarán de investigar un hecho quimérico. Éste, sin embargo, ocurrió y miles de personas en Buenos Aires pueden atestiguarlo.

Desde el principio, comprendí que era inútil interrogar a los mismos protagonistas. Esos versátiles, a fuerza de ejercer la incoherencia, han perdido toda noción de que ésta debe justificarse: veneran la raza germánica, pero abominan de la América «sajona»; condenan los artículos de Versalles, pero aplaudieron los prodigios de Blitzkrieg; son antisemitas, pero profesan una religión de origen hebreo; bendicen la guerra submarina, pero reprueban con vigor las piraterías británicas; denuncian el imperialismo, pero vindican y promulgan la tesis del espacio vital; idolatran a San Martín, pero opinan que la independencia de América fue un error; aplican a los actos de Inglaterra el canon de Jesús, pero a los de Alemania el de Zarathustra.

Reflexioné, también, que toda incertidumbre era preferible a la de un diálogo con esos consanguíneos del caos, a quienes la infinita repetición de la interesante fórmula soy argentino exime del honor y de la piedad. Además, ¿no ha razonado Freud y no ha presentido Walt Whitman que los hombres gozan de poca información acerca de los móviles profundos de su conducta? Quizá, me dije, la magia de los símbolos París y liberación es tan poderosa que los partidarios de Hitler han olvidado que significan una derrota de sus armas. Cansado, opté por suponer que la novelería y el temor y la simple adhesión a la realidad eran explicaciones verosímiles del problema.

Noches después, un libro y un recuerdo me iluminaron. El libro fue el Man and Superman de Shaw; el pasaje a que me refiero es aquel del sueño metafísico de John Tanner, donde se afirma que el horror del Infierno es su irrealidad; esa doctrina puede parangonarse con la de otro irlandés, Juan Escoto Erigena, que negó la existencia sustantiva del pecado y del mal y declaró que todas las criaturas, incluso el diablo, regresarán a Dios. El recuerdo fue de aquel día que es perfecto y detestado reverso del 23 de agosto: el 14 de junio de 1940. Un germanófilo, de cuyo nombre no quiero acordarme, entró ese día en mi casa; de pie, desde la puerta, anunció la vasta noticia: los ejércitos nazis habían ocupado a París. Sentí una mezcla de tristeza, de asco, de malestar. Algo que no entendí me detuvo: la insolencia del júbilo no explicaba ni la estentórea voz ni la brusca proclamación. Agregó que muy pronto esos ejércitos entrarían en Londres. Toda oposición era inútil, nada podría detener su victoria. Entonces comprendí que él también estaba aterrado.

Ignoro si los hechos que he referido requieren elucidación. Creo poder interpretarlos así: Para los europeos y americanos, hay un orden -un sólo orden- posible: el que antes llevó el nombre de Roma y que ahora es la cultura del Occidente. Ser nazi (jugar a la barbarie enérgica, jugar a ser un viking, un tártaro, un conquistador del siglo XVI, un gaucho, un piel roja) es, a la larga, una imposibilidad mental y moral. El nazismo adolece de irrealidad, como los infiernos de Erígena. Es inhabitable; los hombres sólo pueden morir por él, mentir por él, matar y ensangrentar por él. Nadie, en la soledad central de su yo, puede anhelar que triunfe. Arriesgo esta conjetura: Hitler quiere ser derrotado. Hitler, de un modo ciego, colabora con los inevitables ejércitos que lo aniquilarán, como los buitres de metal y el dragón (que no debieron de ignorar que eran monstruos) colaboraban, misteriosamente, con Hércules.


 
Jorge Luis Borges, Otras inquisiciones
 
 
Link Original: http://otrapintura.blogspot.com.ar/2009/08/jorge-luis-borges-anotacion-al-23-de.html?m=1
 

domingo, 24 de agosto de 2014

Lybian´s Airport under attack


















Those backing Mr. Badi say his attack was a pre-emptive blow against an imminent counterrevolution modeled on the military takeover in Egypt and backed by its conservative allies, Saudi Arabia and the United Arab Emirates.


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Fighting between rival militias around the Tripoli  airport on Aug. 17. Credit Mahmud Turkia/Agence France-Presse — Getty Images

Their opponents, including the militias stocked with former Qaddafi soldiers that controlled the airport, say Mr. Badi was merely the spearhead of a hard-line Islamist onslaught resembling the Islamic State in Iraq and Syria and supported by the Islamist-friendly governments of Turkey and Qatar.

The ideological differences are blurry at best: both sides publicly profess a similar conservative but democratic vision. What is clear is that Libya is being torn apart by an escalating war among its patchwork of rival cities and tribes.

In a broad series of interviews on a five-day trip across the chasm now dividing the country — from the mountain town of Zintan, through Tripoli to the costal city of Misurata — many Libyans despaired of any resolution.

“We entered this tunnel and we can’t find our way out,” said Ibrahim Omar, a Zintani leader.
Towns and tribes across the country are choosing sides, in places flying the flags of rival factions, sometimes including the black banners of Islamist extremists.

Tripoli, the capital and the main prize, has become a battleground. The fighting has destroyed the airport, and on Saturday night Mr. Badi’s allies finally captured the remaining rubble, at least for the moment. Constant shelling between rival militias has leveled blocks, emptied neighborhoods and killed hundreds of people. Storage tanks holding 90 million liters of fuel have burned unchecked for a month. Jagged black clouds shadow the city, with daily blackouts sometimes lasting more than 12 hours.

Motorists wait in lines stretching more than three miles at shuttered gas stations, waiting for them to open. Food prices are soaring, uncollected garbage is piling up in the streets and bicycles, once unheard-of, are increasingly common.
In Benghazi, Libya’s second-largest city, the fighting has closed both its airport and seaport, strangling the city.

In an alarming turn for the West, the rush toward war is also lifting the fortunes of the Islamist extremists of Ansar al-Shariah, the militant group involved in the attack on the American Mission in Benghazi, as other militias have allied with its fighters.
The United Nations, the United States and the other Western powers have pulled their diplomats and closed their missions. “We cannot care more than you do,” the British ambassador, Michael Aron, wrote in a Twitter message to a Libyan pleading for international help. (The United Nations is sending a special envoy, Bernardino León, to try to arrange a truce.)

Even the first years after Colonel Qaddafi’s ouster were better, said Hisham Krekshi, a former Tripoli councilman, savoring a few hours of uninterrupted electricity in the upscale cafe that he owns, its tables and the street deserted. “This is a war, and a lot of innocent people are dying.”

Until now, a rough balance of power among local brigades had preserved a kind of equilibrium, if not stability. Although the transitional government scarcely existed outside of the luxury hotels where its officials gathered, no other force was strong enough to dominate. No single cleavage divided the competing cities and factions.

But that semblance of unity is now in tatters, and with it the hope that nonviolent negotiations might settle the competition for power and, implicitly, Libya’s oil. In May, a renegade former general, Khalifa Hifter, declared that he would seize power by force to purge Libya of Islamists, beginning in Benghazi. He vowed to eradicate the hard-line Islamists of Ansar al-Shariah, blamed for a long series of bombings and assassinations.

Borrowing lines from President Abdel-Fattah el-Sisi of Egypt, General Hifter also pledged to close the Parliament and arrest moderate Islamist members. And he has mustered a small fleet of helicopters and warplanes that have bombed rival bases around Benghazi, a steep escalation of the violence.

To fight back, moderate Islamists and other brigades who had distanced themselves from Ansar al-Shariah began closing ranks, welcoming the group into a newly formed council of “revolutionary” militias.

“A lot of them have fought well,” Ali Bozakouk, a moderate Islamist lawmaker from Benghazi, said of militants with Ansar al-Shariah, speaking last week after meetings in Misurata. “When you are fighting against an intruder, sometimes you have hard choices. You are brothers in arms now and work out your differences later.” But the war has driven the other militias closer to the militants and further from moderates like Mr. Bozakouk.

Last week, a broad alliance of Benghazi militias that now includes Ansar al-Shariah issued a defiant statement denouncing relative moderates like the Libyan Muslim Brotherhood. “We will not accept the project of democracy, secular parties, nor the parties that falsely claim the Islamic cause,” the statement read. “They do not represent us.”

Although the general’s blitz has now stalled, it polarized the country, drawing alarms from some cities and tribes but applause from others. Perhaps the loudest applause came from the western mountain town of Zintan, where local militia leaders had recruited hundreds of former Qaddafi soldiers into special brigades, while also keeping control of the Tripoli airport.
The alarms went off in the rival coastal city of Misurata, where militias have allied with the Islamists in political battles and jostled with the Zintanis for influence in the capital. Since Colonel Qaddafi’s ouster, the Misurata and Islamist militias developed a reputation for besieging government buildings and kidnapping high officials to try to pressure the Parliament. But in recent months the Zintanis and their anti-Islamist allies have stormed the Parliament and kidnapped senior lawmakers as well.
Adding to the tensions, the newly elected Parliament, led at first, on a seniority basis, by a member supportive of Mr. Hifter, announced plans to convene in Tobruk, an Eastern city under the general’s control.

About 30 members, most of them Islamists or Misuratans, refused to attend, dispelling hopes that the new legislature might unify the country. “That is foreign territory to me,” said Mr. Bozakouk, the Benghazi representative, who joined the boycott. (Tripoli’s backup airport, under the control of an Islamist militia, has cut off flights to Tobruk, even blocking a trip by the prime minister.)

Over the weekend, a spokesman for the old disbanded Parliament, favored by the Islamists and Misuratans, declared that it would reconvene in Tripoli. In Tobruk, a spokesman for the new Parliament declared that the Islamist- and Misuratan-allied militias were terrorists, suggesting that Libya might soon have two legislatures with competing armies.

Each side has the support of competing satellite television networks financed and, often, broadcast from abroad, typically from Qatar for the Islamists and from the United Arab Emirates for their foes.
“It is a struggle across the region,” said Hassan Tatanaki, a Libyan-born business mogul who owns one of the anti-Islamist satellite networks, speaking in an interview from an office in the Emirates. “We are in a state of war and this is no time for compromise.”

He said he had also suggested moving the newly elected parliament to Tobruk, and then he helped pay to transport it there, in General Hifter’s turf. “If I try to think of all the money I spent, I will get a heart attack,” Mr. Tatanaki said.

Fighters and tribes who fought one another during the uprising against Colonel Qaddafi are now coming together on the same side of the new fight, especially with the Zintanis against the Islamists. Some former Qaddafi officers who had fled Libya are even coming back to take up arms again.

“It is not pro- or anti-Qaddafi any more, it is about Libya,” said a former Qaddafi officer in a military uniform, who had returned from Tunisia. He lounged against the wall of a mountainside guardhouse full of Zintani fighters who were his foes three years ago.

Beneath the battle against “extremists,” he said, was an even deeper, ethnic struggle: the tribes of Arab descent, like the Zintanis, against those of Berber, Circassian or Turkish ancestry, like the Misuratis. “The victory will be for the Arab tribes,” he said. He declined to provide his real name, insisting all journalists were spies.
Those sympathetic to Mr. Badi’s assault on the airport argue that his fight is an extension of the fight against General Hifter’s anti-Islamist coup, arguing without evidence that their opponents were using the Tripoli airport to bring in weapons and equipment from abroad.

Mr. Badi “wanted to have them for lunch before they had him for dinner,” Mr. Krekshi, the former Tripoli councilman and a member of the Muslim Brotherhood, said. (The Brotherhood has said it takes no side in the armed struggle and seeks only dialogue, but in an interview the chief of its political office also refused to condemn the airport assault.)

Misurata city leaders said they had no warning of Mr. Badi’s attack. But the city’s powerful militias swung in full force behind him, and city leaders said the presence of former Qaddafi soldiers among the Zintani militia at the airport convinced them that there was no room to compromise.
“We are sorry for the bloodshed, but this is a necessary surgical operation,” said Abdel Rahman al-Kisa, a lawyer tapped to speak for Misurata’s city leaders, coolly defending the destruction of Tripoli. (Fuel, food, and electricity are still plentiful in Misurata, which has its own airport and seaport, and checkpoints force departing cars to empty any gas cans.)

In Zintan, on the other side of the fight, city leaders said Mr. Badi personified the extremist threat: as an ultraconservative former lawmaker, he once scolded a hostess at the inauguration for her uncovered hair.

“It is creeping up on us,” said Mr. Omar, the Zintan leader. “It is going to be like a new Afghanistan.”
In Misurata, several local leaders suggested that opposing cities were under the domination of armed Qaddafi loyalists and still in need of liberation. Elsewhere, several fighters even said they no longer believed that the rival cities, Zintan and Misurata in particular, could coexist as a nation. “When the dust settles, Misurata will be alone, because their arrogance has created so many enemies,” Ali Mohamed Abdullah, a Zintani fighter, declared.

Taking stock of the damage Tripoli has already suffered, another fighter, Amr el-Taher el-Sayed, shook his head. “Libyans have become monsters,” he said.