Soit les Lumières, soit l’arriération, l’extrémisme et le terrorisme. Il n’y a pas d’autre choix. Cela peut paraître trop binaire, et nombreux sont ceux qui y verront une forme d’intolérance, en contradiction avec les valeurs mêmes des Lumières.

C’est pourtant ainsi que les choses se présentent. Dans les grandes lignes, le monde d’aujourd’hui correspond aux écrits des philosophes des Lumières du XVIIIe siècle. Les religieux, y compris les plus conservateurs, vivent dans ce monde régi par les principes des Lumières et jouissent de ce que ceux-ci ont apporté en termes matériels. Et pourtant, ils croient encore qu’ils vivent dans un monde à part où ils auraient le choix d’accepter ou de refuser cet héritage.

Rupture avec le passé

 

Les Lumières ont aussi produit la Déclaration des droits de l’homme adoptée lors de la Révolution française de 1789. Cette déclaration a consacré un certain nombre de principes, en premier lieu celui de la liberté. Elle a également investi chaque individu des mêmes droits que les autres. Cette approche dépasse toutes les expériences précédentes en ce domaine. Par conséquent, c’est une rupture avec ces expériences, avec un passé qui pouvait comporter des contradictions avec les droits fondamentaux de l’homme.


Certaines pratiques étaient considérées comme licites dans le passé, en vertu des textes anciens. Aujourd’hui, plus personne n’oserait dire qu’il faudrait renouer avec ces pratiques. Il n’y a que [les groupes terroristes] Daech, le Front Al-Nosra, Boko Haram – pour ne citer que ces exemples-là – qui osent le faire.
 

Le principe de l’égalité

 

Ainsi, nous sommes tous, sans le savoir, plus ou moins le produit des Lumières. Aujourd’hui, du point de vue littéralement physique, nous vivons tous dans un monde façonné par l’époque des Lumières. Aussi, rêver ouvertement ou secrètement de rompre avec ces principes, c’est prendre le risque de devenir schizophrène. On a alors le choix entre rejoindre Daech en laissant derrière nous notre vie actuelle ou abandonner notre rêve, lié à un passé révolu, et le laisser se dissoudre dans l’oubli.  


Prenons l’exemple des femmes. Pendant des siècles, elles étaient marginalisées et opprimées à travers le monde. Elles ne se sont libérées qu’à la faveur du principe de l’égalité entre les êtres humains, quel que soit leur sexe, leur religion, leur appartenance ethnique et leur position sociale. Ces droits de l’homme hérités des Lumières et au nom desquels il y a eu une révolution il y a plus de deux siècles protègent les êtres humains de toutes les violences, qu’elles soient verbales ou qu’elles produisent le pire, à savoir les exécutions et les tortures, pratiquées par des organisations terroristes ou par des Etats.
 

L’ignorance et l’abêtissement

 

La culture des Lumières doit être partagée à une grande échelle pour atteindre les masses populaires. Quand ces masses populaires ont une culture passéiste, ancrée dans les malheurs de l’Histoire, on peut s’attendre à ce qu’elles reproduisent ces mêmes malheurs. Autrement dit, si nous voulons produire une réalité sociologique réconciliée avec elle-même et avec le monde contemporain, il faut arracher les masses populaires à ce vieux marécage dans lequel elles baignent et qui érige en vertu la haine, la négation des droits d’autrui et le conflit avec le reste du monde, si ce n’est la soif de conquête.


A défaut de changer de boussole au profit d’une culture des Lumières, nous laissons la voie libre aux représentants de l’ignorance et de l’abêtissement. Et qui, en outre, sont convaincus de prêcher la bonne parole.
 
Mohamed Ali Al-Mahmoud