viernes, 24 de julio de 2015

Le double jeu permanent de la Turquie

La Turquie a bombardé l’Etat islamique en Syrie pour la première fois

Le Monde.fr |


Des tanks turcs à la frontière avec la Syrie, le 23 juillet 2015.
Trois chasseurs F-16 de l’armée de l’air turque ont bombardé, vendredi 24 juillet au matin, plusieurs objectifs tenus par l’Etat islamique (EI) en territoire syrien, ont annoncé les services d’Ahmet Davutoglu, le premier ministre de la Turquie. Ces frappes ont été menées peu avant 4 heures (3 heures en France), au lendemain d’un accrochage entre l’armée et les djihadistes qui a coûté la vie à un sous-officier turc.
Les avions turcs ont frappé « deux quartiers généraux et un point de ralliement » des combattants de l’EI avec des missiles avant de regagner leur base de Diyarbakir (Sud-Est), précise le communiqué publié par les services de M. Davutoglu. Selon l’agence de presse Dogan, les cibles étaient localisées autour du village de Havar, face à la province turque de Kilis (Sud).
« La République de Turquie est déterminée à prendre toutes les précautions pour défendre la sécurité nationale », est-il assuré dans le communiqué, qui précise que ces frappes avaient été décidées lors d’une réunion de sécurité qui s’est tenue jeudi soir autour du chef du gouvernement.
En parallèle, la police turque a lancé vendredi à l’aube une vaste opération antiterroriste contre des militants présumés de l’EI et des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Les forces de l’ordre ont interpellé et placé en garde à vue 251 personnes, a annoncé le gouvernement. Ce coup de filet, qui continuait à mobiliser quelque 5 000 policiers et des hélicoptères dans la seule ville d’Istanbul, a été mené dans 13 provinces du pays, ont ajouté les services du premier ministre, Ahmet Davutoglu, dans une déclaration.

Grave combat armé

Quelques heures plus tôt avait eu lieu le plus grave combat armé entre les forces de sécurité turques et l’EI depuis que le mouvement radical a pris le contrôle de larges parties du territoire syrien, il y a un an : un poste avancé de l’armée turque a été la cible de tirs venus du côté syrien de la frontière, dans la région de Kilis. Un sous-officier turc a été tué, et deux autres militaires ont été blessés. Des chars turcs ont bombardé en retour des positions de l’EI.
Lundi, un attentat-suicide attribué par les autorités turques à l’EI a tué 32 personnes et en a blessé une centaine dans un centre culturel kurde de Suruç, près de la frontière. Il s’agirait de la première attaque terroriste de l’EI sur le territoire turc.
Jeudi, Ankara avait déjà accepté de laisser des avions de l’armée américaine utiliser plusieurs de ses bases aériennes dont celle d’Incirlik, proche de la frontière syrienne, pour mener des bombardements contre l’EI, affirment plusieurs responsables américains sous couvert d’anonymat. « L’accès aux bases turques, comme la base aérienne d’Incirlik, augmentera l’efficacité opérationnelle de la coalition » militaire qui combat l’EI, a notamment déclaré un officiel à l’Agence France-Presse. Cette base est située à 200 kilomètres de la frontière syrienne, dans la région d’Adana.
Cette autorisation, demandée depuis plusieurs mois par Washington, a été donnée après un entretien téléphonique entre le président des Etats-Unis, Barack Obama, et son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan. L’utilisation d’Incirlik, promise pour des avions avec et sans pilote, fait partie d’un accord aux contours plus larges entre les deux pays, qui vise à approfondir leurs relations dans la lutte contre l’EI.

La Turquie avait limité son engagement

Le bombardement effectué par les F-16 et l’accueil des avions américains marquent un tournant dans la politique d’Ankara vis-à-vis de l’EI. La Turquie, membre de l’OTAN, a jusqu’ici limité son engagement au minimum dans la coalition internationale menée par les Etats-Unis contre le groupe djihadiste depuis le début des bombardements, en septembre, provoquant la colère de son allié américain. Elle s’opposait également depuis septembre à ce que les avions américains puissent utiliser sa base d’Incirlik.
Ankara a, à plusieurs reprises, critiqué la stratégie d’attaque du seul EI par la coalition, privilégiant de son côté la lutte contre le régime de Bachar Al-Assad. Elle est accusée d’avoir longtemps laissé les djihadistes de l’EI traverser son territoire en toute liberté et d’avoir cherché à les armer au début de 2014.