domingo, 3 de marzo de 2013

LES RAVAGES DU FONDAMENTALISME ISLAMISTE EN LYBIE ET UN PEU PARTOUT




Blogs de “Le Monde”

Libye, lorsque nous vivions tous ensemble…



 



Après l’autorisation officielle en Libye de prendre une épouse supplémentaire en secondes noces sans l’avis de la première, le viol abject, la torture et la mort en Arabie saoudite d’une fillette de cinq ans, tuée par son propre père toujours libre en toute impunité, l’assassinat politique en Tunisie d’un farouche opposant aux islamistes au pouvoir, le harcèlement sexuel quotidien en Egypte, la guerre civile en Syrie, la liste épouvantable de l’incompréhensible et de l’inacceptable s’allonge chaque jour un peu plus.

Spectateurs horrifiés et impuissants, nous assistons au second tome de nos Printemps arabes. Une odeur nauséabonde. Un goût frelaté. Le réveil brutal à une réalité où nous avons ce sentiment accablé d’avoir été dupés et trompés sur une marchandise qui dévoile peu à peu ses atours.

Depuis quelques jours en Libye, la communauté chrétienne − minoritaire d’à peine 3% d’une population de 6,3 millions à majorité musulmane sunnite − est très inquiète. Des tombes ont été profanées au cimetière Italien de Tripoli où des ossements humains sont régulièrement déterrés. En Cyrénaïque, une communauté de religieuses, présente depuis près d’un siècle, a été contrainte de partir sous la pression et le comportement hostile des fondamentalistes. « Nous sommes désolés de devoir réduire nos activités dans cette zone parce que nous avons construit un rapport très beau et très intense, fait de témoignage et d’amitié, avec le peuple libyen qui malheureusement, ces derniers temps, se ressent de la présence des fondamentalistes. Ces derniers ne représentent pas l’identité du peuple libyen mais est l’une des expressions de la société libyenne d’aujourd’hui », a déclaré Mgr Martinelli, vicaire apostolique de Tripoli.

Au-delà de la vergogne face à cette mauvaise tournure d’une révolution qui fêtera sa deuxième année dans quelques jours, malgré mon combat acharné à défendre l’image carbonisée, écornée, ébréchée de mon pays natal, je m’interroge sur son passé chaotique composé essentiellement d’invasions coloniales, une indépendance éclair et une dictature de quatre décennies. Le futur de cette terre demeure un point d’interrogation aussi vaste que ses limites géographiques tracées à la règle. Un mystère auquel est confronté tout un peuple otage d’un kidnapping généralisé. Une colonisation exclusivement constituée d’hommes déterminés et manipulés par leur ignorance. Une vengeance haineuse arbitraire, gratuite sans fondement précis envers les femmes, les enfants, les statues, les fruits, les légumes, le ciel, le soleil, les animaux, l’air, les nuages, la musique, les morts, les rires, la vie cette offrande dont ils ne savent qu’en faire.

Mais d’où vient donc cette misère humaine si terrifiante qui se propage à la vitesse d’une peste camusienne ? Pourrais-je un jour oublier les histoires racontées par nos mères ou grands-mères ? Celles de ces plats aux saveurs épicées ou sucrées échangées lors des fêtes entre juifs, chrétiens et musulmans. Celles aussi d’un temps où dans les préaux d’écoles toutes les confessions se croisaient sans se poser de question. Des tomes entiers à rédiger afin que cette mémoire-là ne sombre pas dans l’oubli étouffé par un obscurantisme effrayant.

Ce pays n’est plus le mien c’est un infidèle au chagrin difficile à apaiser.

Je finirai avec cette citation de l’écrivain Gilbert Sinoué : «Or à partir du moment où tu acceptes de reconnaître ta douleur, ça va beaucoup mieux. Je ne veux plus tricher : oui ça me manque, oui je ne me sens plus nulle part chez moi. Je suis chez moi partout.»


Tahani Khalil Ghemati, architecte et écrivain libyenne, Beyrouth


La Libye invente « l'infidélité Hallal »


La chambre constitutionnelle de la Cour suprême en Libye vient de franchir un pas décisif et crucial. Abolir l’interdiction de prendre une deuxième épouse sans l’autorisation de la première. Ce qui est certain dans ce type de résolution c’est qu’elle ne sera pas appliquée à la lettre par faute de moyens financiers mais encouragera nos mâles à se pavaner tels des paons pathétiques dans une basse-cour et mépriser leurs épouses. Ils pourront la tromper sans en être importunés puisque c’est halal tout cela. Quelle tristesse, hypocrisie et stupidité.

Ainsi des milliers de jeunes femmes, pour les prochaines décennies − si cette loi n’est pas révoquée − devront subir le joug et la tyrannie d’un homme à l’insatisfaction permanente. Je ne comprends pas ce plaisir-là. C’est un procédé maquillé ouvrant les autoroutes des tromperies avec la bénédiction d’Allah tout puissant.

Nous, les femmes libyennes, nous interrogeons sur la suite d’une telle déclaration. Est-ce que la prochaine étape c’est le décret d’une République islamique à l’instar de l’Iran ? Si nous voulons nous laisser dériver au jeu de la provocation, lançons-nous franchement puisque cette goutte nous pend au nez comme la morve d’un lardon auquel sa maman n’a pas appris à se moucher. Soyons honnêtes et dignes une bonne fois pour toutes et ainsi nous serons définitivement des sacs poubelles non recyclables puisque remplacées au bon vouloir de ces hommes. Je n’ose même pas imaginer l’éducation que ces derniers recevront ni dans quelle ambiance de haine ils évolueront ni comment leur regard envers les femmes se construira.

Ma pauvre Libye. Cela fait trop longtemps que mon chagrin d’exilée s’éternise. Après le tsunami d’espoirs. Une révolution. Une guerre. Quelques milliers de morts, de disparus, d’orphelins et de veuves. Récemment le premier ministre britannique M. Cameron a déclaré lors d’une visite surprise à Tripoli: « Nous sommes vos amis (...) Nous voulons travailler avec vous, être à vos côtés pour bâtir une démocratie prospère, sûre et stable ici en Libye». Il s’adresse à qui au juste ? Aux sites pétroliers ? Au peuple libyen ? Aux femmes libyennes ? Je suis affligée, indignée, écœurée par l’absence de neurones d’une poignée de nigauds qui ne perçoivent les choses qu’à travers un œil-de-bœuf au rétrécissement limité à une jouissance phallocrate.

Il est vrai que ce changement de loi était d’une urgence plus vitale que la rédaction d’une constitution, que le respect des droits humains élémentaires, que la mise en place d’une justice et le rétablissement de la sécurité dans un pays devenu le Far West d’Afrique du Nord.
Ma pauvre Libye sur quel autel seras-tu sacrifiée ? Sur quel bûcher les femmes libyennes brûleront-t-elles ? Victimes et otages d’un gang amputé à la naissance d’une intelligence essentielle à toute reconstruction fertile.


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