La question des armes chimiques syriennes divise le pouvoir iranien
Du Blog “NOUVELLES D´IRAN”
Sylvie Lasserre
3 Septembre 2013
L'ancien président iranien, Akbar Hachémi Rafsandjani, semble ne pas
soutenir la ligne officielle de la République islamique face à la crise
syrienne. Alors que les autorités les plus sévères, dont certains chefs des Gardiens de la révolution, pointent du doigt les "terroristes"
et les rebelles syriens comme les vrais responsables d'utilisation des
armes chimiques dans la région de la Ghouta, le 21 août, M. Rafsandjani a
accusé le régime syrien d'avoir gazé son propre peuple.
"Le peuple syrien a beaucoup souffert ces deux dernières
années (...). D'un côté, le peuple reçoit des bombes chimiques, lâchées
par son propre régime. D'un autre côté, il doit attendre les bombes
américaines", a déclaré le chef du Conseil de discernement, M.
Rafsandjani, lors d'un discours dans la province de Savadkouh, dans le
nord de l'Iran, dimanche 1er septembre.
C'est d'abord l'agence officielle ILNA (Iranian Labor News Agency)
qui a publié ce discours, mais sa dépêche a été très tôt modifiée. Dans
la nouvelle version, M. Rafsandjani n'attribue à personne la
responsabilité des attaques chimiques en Syrie. "D'un côté, le
peuple syrien a fait l'objet d'utilisation des armes chimiques et,
aujourd'hui, il doit attendre les attaques étrangères", peut-on lire sur le site d'ILNA.
A la suite de ce démenti, un site proche des conservateurs de la province de Mazandaran (nord), Bloghnews, a publié l'enregistrement sonore de ce discours, lundi 2 septembre en début d'après-midi, s'indignant des propos "hors cadre" de l'ancien président. "Les
propos incroyables de M. Rafsandjani sur l'usage des armes chimiques en
Syrie avaient déjà été prononcés, de manière excessive, par la Maison
Blanche et par Tel Aviv, dans le but de porter secours aux mouvements
salafistes et djihadistes en Syrie", ont écrit les responsables du site dans un texte accompagnant l'enregistrement.
Lorsque certains internautes ont émis des doutes quant à
l’authenticité de la bande sonore, le site est revenu à la charge en
publiant, cette fois-ci, l'enregistrement vidéo du même discours,
laissant très peu d'incertitudes à ce sujet. "Nous publions la vidéo de ce discours pour dissiper les doutes concernant sa véracité", peut-on lire sur ce site.
Face à ce tollé médiatique, le cabinet de communication du Conseil de
discernement a réagi en démentant les propos attribués à l'ancien
président. "Lors de cette rencontre, M. Rafsandjani a dit qu'en
Syrie, des armes chimiques avaient été utilisées. Mais il n'a pas
mentionné le gouvernement d'Assad. Il a affirmé que les Etats-Unis
voulaient, par ce prétexte, attaquer la Syrie. Les propos de M. Hachémi
ont donc été mal tournés", a annoncé Reza Soleimani, le porte-parole du Conseil de discernement.
La porte-parole du ministère des affaires étrangères, la fraîchement nommée Marziyeh Afkham, lui est venue en aide en expliquant, elle aussi, que les déclarations de l'ancien président ont été "déformées". "Le
chef du Conseil de discernement considère la Syrie comme la puissante
forteresse contre le régime sioniste [Israël], qui, en prétextant
[l'utilisation] des armes chimiques, cherche à attaquer ce pays", a-t-elle annoncé, lundi 2 septembre.
Les déclarations d'Akbar Hachémi Rafsandjani et les condamnations
qu'elles ont suscitées mettent au grand jour les divisions qui existent
au sommet de l'Etat iranien face au dilemme syrien.
Le président Hassan Rohani avait condamné le recours aux armes
chimiques en Syrie sans désigner de responsable, samedi 24 août. Les
chefs des gardiens de la révolution, accusés par les rebelles syriens et
l'Occident de prêter main forte au régime syrien, avaient, de leur
côté, mis en garde les Etats-Unis contre une attaque en Syrie. Une délégation parlementaire
iranienne a été dépêchée en Syrie, samedi 31 août, pour conforter
Bachar Al-Assad en l'assurant du soutien de Téhéran en vue d'une
intervention militaire.
Link: http://keyhani.blog.lemonde.fr/2013/09/03/pour-liran-cetait-peut-etre-lattaque-chimique-de-trop/#xtor=RSS-32280322
Les manœuvres menées par des plus conservateurs se multiplient en Iran, alors qu'une partie de la société civile iranienne demande à Téhéran d'abandonner son proche allié, Bachar Al-Assad. Les voix dans ce sens se font d'autant plus entendre que l'Iran a été victime de l'utilisation d'armes chimiques pendant la guerre Iran-Irak (1980-1988). Lors de multiples attaques menées par Saddam Hussein, des milliers d'Iraniens ont été tués ou blessés, laissant un traumatisme durable dans le pays.
A lire sur Nouvelles d'Iran : "Sur le dossier syrien, la prudence nouvelle du discours officiel iranien"