L’aventure surréaliste de Leonora Carrington, évoquée par l’écrivaine Elena Poniatowska
L'aventure artistique et la vie non moins intense de Leonora Carrington (1917-2011), peintre surréaliste d'origine britannique, sont évoquées par la Mexicaine Elena Poniatowska, dans un ouvrage dont la traduction française de Claude Fell vient de paraître (Leonora, Actes Sud, 448 pages, 23,50 euros).
Immense
artiste et écrivaine inspirée, Leonora avait d’abord été une
femme-enfant choyée par les surréalistes. Elle avait séduit Max Ernst,
avec lequel elle a vécu une longue histoire d'amour et d'émulation, en
dépit des différences picturales entre les deux.
La seconde guerre mondiale, l’internement en asile psychiatrique dans
l’Espagne de Franco, la fuite vers Lisbonne et New York, ensuite le
refuge à Mexico, où l'artiste a vécu jusqu'à la fin de sa vie, sont
remémorés par Elena Poniatowska avec un souffle romanesque dans son
ouvrage Leonora.
Il faut dire que les personnages hauts en couleurs n'ont pas manqué
dans l'existence de Leonora Carrington : outre Max Ernst, André Breton,
Paul Eluard, Benjamin Péret, Wolfgang Paalen, Remedios Varo et autres
surréalistes.
Il y a aussi la collectionneuse Peggy Guggenheim, croquée par Elena
Poniatowska avec une certaine férocité, l’écrivain mexicain Renato
Leduc, le photographe Robert Capa, l’excentrique milliardaire Edward
James - une étoile filante de l’avant-garde évoquée par Anne Vallaeys
dans un autre livre (Edward dans sa jungle, chez Fayard).
Leonora se lit d’une traite. L'auteure parvient à
communiquer une empathie absolue avec son personnage. Elena Poniatowska
partage des origines européennes avec Leonora Carrington, même si elles
n’appartiennent pas à la même génération (Leonora est née dans le
Lancashire en 1917, l’auteure est née à Paris en 1932). Le récit se fait
plus foisonnant, plus envoûtant dans la partie mexicaine, qu’Elena
Poniatowska connaît à merveille, puisqu’elle fréquente le milieu
intellectuel de Mexico depuis son enfance.
La
principale prouesse de la biographe est d’avoir réussi à s’imprégner
littérairement du monde imaginaire de Leonora Carrington, absolument
personnel et irréductible à nul autre, quelles que soient ses influences
ou convergences (avec Remedios Varo).
Ses animaux fantastiques, ses paysages hantés, ses architectures
inquiétantes, ses climats oniriques trouvent sans doute ses origines
dans les récits entendus lorsque Leonora était une enfant d’une
sensibilité à fleur de peau, entêtée à refuser le rôle de femme soumise
auquel la destinait la société patriarcale.
Les envolées lyriques et les moments de bonheur n’ont pas manqué dans
sa vie, mais les tragédies du siècle ne l’ont pas épargnée et ont
longtemps compromis son équilibre. La survie même de Leonora Carrington,
son accomplissement dans l’écriture et la peinture, tiennent du
miracle, à en juger par cet ouvrage. Certes, rien ne remplace l’œuvre
d’un créateur. Pourtant, une biographie n’est pas condamnée à l’occulter
forcément derrière la succession de tranches de vie. Elena Poniatowska
montre qu’on peut à la fois voyager dans le temps pour retrouver la
femme et parcourir les jalons de sa création.
D’origine polonaise et française, femme engagée, Elena Poniatowska alterne le journalisme et la littérature.
Ses investigations, ses entretiens et ses portraits passent sans effort
de l’un à l’autre, avec un mélange tout à fait personnel de légèreté et
de densité. Son histoire orale du massacre des étudiants à Mexico en
1968 (La noche de Tlatelolco), tout comme son récit du tremblement de terre de 1985 (Nada, nadie : Las voces del temblor), comptent parmi ses ouvrages les plus réputés.
Malheureusement, très peu d'oeuvres d’Elena Poniatowska ont été traduites en français : Vie de Jésusa (Gallimard, 1980), Cher Diego, Quiela t’embrasse et La fille du philosophe (Actes Sud, 1993), Lilus Kikus
(Les Perséides, 2005). Prolifique, elle a publié une bonne quarantaine
de titres. Les anglophones ont plus de chance. Penguin a eu
l’intelligence de traduire sa passionnante biographie de Tina Modotti,
photographe italienne et égérie de l’intelligentzia mexicaine, devenue
une icône féministe : Tinisima, dont la parution remonte à 1992, annonce d’une certaine manière Leonora, fruit de plusieurs années d'entretiens et d'expériences partagées.
LINK
http://america-latina.blog.lemonde.fr/2012/09/30/laventure-surrealiste-de-leonora-carrington-evoquee-par-lecrivaine-elena-poniatowska/