lunes, 1 de octubre de 2012

Leonora Carrington présentée en français par Elena Poniatowska

L’aventure surréaliste de Leonora Carrington, évoquée par l’écrivaine Elena Poniatowska

L'aventure artistique et la vie non moins intense de Leonora Carrington (1917-2011), peintre surréaliste d'origine britannique, sont évoquées par la Mexicaine Elena Poniatowska, dans un ouvrage dont la traduction française de Claude Fell vient de paraître (Leonora, Actes Sud, 448 pages, 23,50 euros).


Immense artiste et écrivaine inspirée, Leonora avait d’abord été une femme-enfant choyée par les surréalistes. Elle avait séduit Max Ernst, avec lequel elle a vécu une longue histoire d'amour et d'émulation, en dépit des différences picturales entre les deux.

La seconde guerre mondiale, l’internement en asile psychiatrique dans l’Espagne de Franco, la fuite vers Lisbonne et New York, ensuite le refuge à Mexico, où l'artiste a vécu jusqu'à la fin de sa vie, sont remémorés par Elena Poniatowska avec un souffle romanesque dans son ouvrage Leonora.
Il faut dire que les personnages hauts en couleurs n'ont pas manqué dans l'existence de Leonora Carrington : outre Max Ernst, André Breton, Paul Eluard, Benjamin Péret, Wolfgang Paalen, Remedios Varo et autres surréalistes.

Il y a aussi la collectionneuse Peggy Guggenheim, croquée par Elena Poniatowska avec une certaine férocité, l’écrivain mexicain Renato Leduc, le photographe Robert Capa, l’excentrique milliardaire Edward James - une étoile filante de l’avant-garde évoquée par Anne Vallaeys dans un autre livre (Edward dans sa jungle, chez Fayard).

Leonora se lit d’une traite. L'auteure parvient à communiquer une empathie absolue avec son personnage. Elena Poniatowska partage des origines européennes avec Leonora Carrington, même si elles n’appartiennent pas à la même génération (Leonora est née dans le Lancashire en 1917, l’auteure est née à Paris en 1932). Le récit se fait plus foisonnant, plus envoûtant dans la partie mexicaine, qu’Elena Poniatowska connaît à merveille, puisqu’elle fréquente le milieu intellectuel de Mexico depuis son enfance.

La principale prouesse de la biographe est d’avoir réussi à s’imprégner littérairement du monde imaginaire de Leonora Carrington, absolument personnel et irréductible à nul autre, quelles que soient ses influences ou convergences (avec Remedios Varo).

Ses animaux fantastiques, ses paysages hantés, ses architectures inquiétantes, ses climats oniriques trouvent sans doute ses origines dans les récits entendus lorsque Leonora était une enfant d’une sensibilité à fleur de peau, entêtée à refuser le rôle de femme soumise auquel la destinait la  société patriarcale.

Les envolées lyriques et les moments de bonheur n’ont pas manqué dans sa vie, mais les tragédies du siècle ne l’ont pas épargnée et ont longtemps compromis son équilibre. La survie même de Leonora Carrington, son accomplissement dans l’écriture et la peinture, tiennent du miracle, à en juger par cet ouvrage. Certes, rien ne remplace l’œuvre d’un créateur. Pourtant, une biographie n’est pas condamnée à l’occulter forcément derrière la succession de tranches de vie. Elena Poniatowska montre qu’on peut à la fois voyager dans le temps pour retrouver la femme et parcourir les jalons de sa création.

D’origine polonaise et française, femme engagée, Elena Poniatowska alterne le journalisme et la littérature. Ses investigations, ses entretiens et ses portraits passent sans effort de l’un à l’autre, avec un mélange tout à fait personnel de légèreté et de densité. Son histoire orale du massacre des étudiants à Mexico en 1968 (La noche de Tlatelolco), tout comme son récit du tremblement de terre de 1985 (Nada, nadie : Las voces del temblor), comptent parmi ses ouvrages les plus réputés.

Malheureusement, très peu d'oeuvres d’Elena Poniatowska ont été traduites en français : Vie de Jésusa (Gallimard, 1980), Cher Diego, Quiela t’embrasse et La fille du philosophe (Actes Sud, 1993), Lilus Kikus (Les Perséides, 2005). Prolifique, elle a publié une bonne quarantaine de titres. Les anglophones ont plus de chance. Penguin a eu l’intelligence de traduire sa passionnante biographie de Tina Modotti, photographe italienne et égérie de l’intelligentzia mexicaine, devenue une icône féministe : Tinisima, dont la parution remonte à 1992, annonce d’une certaine manière Leonora, fruit de plusieurs années d'entretiens et d'expériences partagées.

LINK
http://america-latina.blog.lemonde.fr/2012/09/30/laventure-surrealiste-de-leonora-carrington-evoquee-par-lecrivaine-elena-poniatowska/