NOUVELLES D´ IRAN - Un Blog de la Direction de “LE MONDE”
A Téhéran, démonstration de force des ultraconservateurs
A l'occasion du 34e anniversaire de l'occupation de
l'ambassade américaine, en 1979, qui avait été suivie de la prise en
otages, pendant 444 jours, de 52 diplomates américains, des milliers de
manifestants se sont rassemblés, lundi 4 novembre, devant ce bâtiment de
Téhéran devenu un musée, criant leur hostilité à l'égard des
Américains.
Bien que cette date, baptisée "Journée nationale de la lutte contre l'impérialisme",
donne chaque année lieu à un rassemblement semblable, celui de cette
année a pris une toute autre signification du fait de la politique
d'apaisement menée par le président Hassan Rohani.
La prise d'assaut de l'ambassade américaine, survenue peu après la
révolution islamique en février 1979, avait causé la rupture de toutes
les relations diplomatiques entre Washington et Téhéran. Pourtant, à
l'occasion du voyage de M. Rohani à New York, en septembre, le président
iranien et son homologue américain, Barack Obama, se sont entretenus au téléphone
pour la première fois pendant une quinzaine de minutes. Depuis, les
gestes d'ouverture se sont multipliés entre les deux pays, ennemis de
longue date, suscitant la réaction hostile des plus conservateurs en Iran.
Le rassemblement de ce lundi pourrait dans ce contexte être considéré
comme un avertissement de la part des plus radicaux du régime à
l'attention du nouveau gouvernement. L'ampleur de ce rassemblement – les
manifestants étaient plus nombreux qu'à l'ordinaire – et l'écho qu'il
va avoir dans la presse nationale et internationale pourraient peser sur
le travail des diplomates iraniens chargés du dossier nucléaire, alors
que des nouvelles négociations sont prévues à Genève, les 7 et 8
novembre.
Depuis quelques jours déjà, la
presse iranienne spéculait sur la possibilité que les discours
antiaméricains soient mis en sourdine. Ce débat a pris une nouvelle
tournure après que les affiches antiaméricaines installées dans la
capitale ont été retirées par la municipalité de Téhéran.
Mais la foule – jeunes écoliers comme Iraniens plus âgés – présente
devant l'ancienne ambassade américaine a prouvé que les vielles
habitudes et les traditions ont la peau dure. Les manifestants ont
appelé, comme les années précédentes, à la "mort de l'Amérique", ainsi
qu'à la destruction d'Israël. Ils brandissaient des pancartes couvertes
de ces slogans, ainsi que des photos du Guide suprême iranien, Ali
Khamenei. Des drapeaux américains ont été brûlés ainsi que des
épouvantails censés représenter les Etats-Unis.
L'ancien chef des négociateurs nucléaires – et candidat malheureux à
l'élection présidentielle de juin –, l'ultraconservateur Said Jalili, a
été choisi pour prononcer le principal discours devant la foule. Il a
été démis de ses fonctions par Hassan Rohani, puis nommé au Conseil de
discernement par le Guide suprême.
D'autres personnalités ultraconservatrices ont également été vues
dans ce rassemblement, dont l'ancien parlementaire Gholam-Ali Haddad
Adel, ainsi que plusieurs anciens responsables du gouvernement de
l'ex-président Mahmoud Ahmadinejad (2005-2013) comme son ministre des
sciences, Kamran Daneshdjoo. "La manifestation de cette année est
plus grande et la plus glorieuse de ces dernières années. La population
envoie ainsi un message à l'équipe chargée des négociations [nucléaires] pour qu'elle puisse défendre plus fermement les droits du peuple iranien", a-t-il soutenu.
Une exposition de photo a été également organisée en marge de la
manifestation, consacrée aux crimes commis par les Etats-Unis. : l'aide
au régime de Saddam Hussein pendant la guerre Iran-Irak (1980-1988) ; la
fourniture d'armes aux groupes terroristes agissant contre l'Iran ;
l'attaque du vol 655 de la compagnie iranienne Iran Air, le 3 juillet
1988, qui avait fait 290 victimes civiles...